La Disparition
jeudi 22 juin 2023
C’est sans doute une idée communément admise aujourd’hui que d’affirmer que La Disparition, par son écriture originale autant qu’insolite − et par là même, révolutionnaire − fait partie des romans qui ont marqué l’histoire littéraire du siècle dernier. Publié à une époque où la primauté du texte était bruyamment revendiquée, cet ouvrage constitue incontestablement une démonstration éclatante de la prodigieuse productivité d’une contrainte formelle.
Les oulipiens, dont c’est le credo, ne s’y sont pas trompés, tel Jacques Roubaud :
"La contrainte y est à la fois principe de l’écriture du texte, son mécanisme de développement, en même temps que son sens : La Disparition est roman d’une disparition qui est la disparition du e, est donc tout à la fois le roman de ce qu’il raconte et le récit de la contrainte qui crée ce qui se raconte."
ou encore Marcel Bénabou :
"Car tôt ou tard, il faudra bien que chacun, au-delà des mouvements d’humeur, accepte de prendre ce livre pour ce qu’il est : non pas une quelconque curiosité littéraire, mais une des rares œuvres peut-être qui réussisse à réaliser le rêve de tout écrivain : l’absolue adéquation de l’écriture à son objet. "
Le succès indéniable du livre − ne serait-ce qu’à titre d’objet peu commun − explique que depuis sa sortie en 1969, le roman ait connu de multiples rééditions (dont une s’est même offert le luxe de rétablir quelques e indésirables !). L’Association Georges Perec a réuni sur cette page le scan des différentes premières de couverture. On pourra constater que si le e, évoquant un sens interdit, de la toute première édition est resté célèbre, Perec a préféré opter par la suite pour des présentations nettement plus discrètes et surtout moins explicites.
C’est également pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer que l’ouvrage − malgré toutes les difficultés spécifiques que l’on peut aisément imaginer − a tenté plusieurs traducteurs qui ont accepté de relever le défi. Ainsi compte-t-on à l’heure actuelle pas moins de quinze traductions publiées ; cinq non encore publiées ; trois traductions partielles et … une traduction non lipogrammatique ; le tout mobilisant au total quinze langues différentes. On trouvera, toujours sur cette page, le récapitulatif de ces diverses traductions avec, là encore, le scan des premières de couverture (et de certaines rééditions).
En guise de complément, le lecteur aura tout loisir de découvrir d’une part un roman espagnol de littérature de jeunesse directement inspiré par La Disparition, et… juste retour des choses, sa traduction en français, d’autre part des études de Georges Perec pour de « potentielles » couvertures de La Disparition, issues du manuscrit dit du « Moulin d’Andé ».
Les éditions françaises
1969 : ed. Denoël, coll. Les lettres Nouvelles (couverture)
1979 : ed. Denoël (couverture)
1983 : ed. Denoël (couverture)
1989 : ed. Gallimard, coll. L’imaginaire (couverture)
1994 : ed. Gallimard, coll. L’imaginaire (couverture)
2003 : ed. Gallimard, coll. L’imaginaire (couverture) (avec quatre e p. 53, 119, 187, 235)
2019 : ed. Denoël (couverture)
2022 : ed. Gallimard, coll. L’imaginaire (couverture)
Quand 37 + 1 font 26 – 1
Tentative de reconstitution de la liste des 37 contributeurs que Georges Perec avait spécialement remerciés en leur adressant un exemplaire personnel dédicacé de La Disparition
– L’article de Marc Parayre
– Épilogue (provisoire)
Les traductions
(liste établie et mise à jour par M.P. en fonction des données disponibles au 30/03/24)
Allemand : Eugen Helmlé, Anton Voyls Fortgang, Frankfurt am Main, ed. Zweitausendeins, 1986. Réédité en 1991, ed. Rowohlt et en 2013, ed. Diaphanes (couverture ed. 1986) (couverture ed. 1991) (couverture ed. 2013)
Anglais : Gilbert Adair, A Void, Londres, Harvill Press, 1994. Réédité en 2005, ed. Godine, Verba Mundi et en 2008, ed. Vintage classics (couverture ed. 1994) (couverture ed. 1995) (couverture ed. 2005) (couverture ed. 2008)
Italien : Varga Piero Falchetta, La Scomparsa, Naples, Guida editori, 1995 (couverture)
Espagnol : Marisol Arbués, Mercé Burrel, Marc Parayre, Hermes Salceda et Regina Vega, El Secuestro, Barcelone, Panorama de narrativa, Anagrama, 1997. Réédité en 2020, Anagrama, Colección Compactos (couverture ed.1997) (couverture ed. 2020) → Sans a (voir ci-dessous l’anecdote sur cette traduction)
Suédois : Sture Pyk, Försvinna, Stockholm, Albert Bonniers, 2000 (Une autre édition, sous le même titre Försvinna mais où apparaît la signature de Fredrik Rönnbäck – ajout d’une postface –, est parue chez Moderniste en 2018) (couverture ed.2000) (couverture ed.2018)
Russe : Valéry Kislov, Istchezanie, Saint-Pétersbourg, Ivan Limbakh, 2005. Réédité même éditeur, en 2017 (couverture ed.2005) (couverture ed.2017)→ Sans o
Turc : Cemal Yardımcı, Kaybolus, Istanboul, Ayrıntı, 2006. Réédité même éditeur en 2008 (couverture ed.2005)
Hollandais : Guido van de Wiel,‘t Manco, Amsterdam, De Arbeidersper, 2009 (couverture)
Roumain : Serban Foarţă, Disparitia, Bucarest, Biblioteca ideala, Editura Art, 2010 (couverture)
Croate : Vanda Miksic, Ispario, Zagreb, MeandarMedia, 2012 (couverture ed. 2012) (jaquette ed. 2012)
Japonais : Shuishiro Shiotsuka, En-metsu, Tokyo, ed. Shueisha, 2010 (couverture)→ Sans i
Portugais (Brésil) : José Roberto Andrade Féres, O sumiço, Belo Horizonte, Autêntica Editora, 2015 (couverture)
Catalan : Adrià Pujol Cruells, L’Eclipsi, Barcelone, L’avenç, 2017 (couverture) → Sans a
Polonais : René Koelblen et Stanisław Waszak, Zniknięcia, Cracovie, Lokator, 2022 (sous l’égide de l’Ambassade de France en Pologne)
Finnois : Ville Keynäs, Häviäminen, Helsinki, Teos, 2023 (couverture) → Sans a
Traductions d’extraits, essais :
Catalan : Sònia Pérez Bagués, (essai de traduction de quelques dizaines de pages dans le cadre du mémoire de master2 La Disparition : pouvoir du signifiant et pouvoir du traducteur, Université de Lille III, 2010.)
Espagnol (Argentine) : Marcelo Zabaloy, El de ese Perec ido, 2021, → Sans a à lire ici
Non publiées :
Anglais : John Lee, Vanish’d, 1989
Anglais : Ian Monk, A Vanishing
Anglais : Julian West, Omissions, 2008
Catalan : Alfred Morales Fusco, L’ocultació, 2017
Espagnol (Argentine) : Marcelo Zabaloy, La D’ su aparición, 2018
En cours avec ébauche publiée :
Portugais (Brésil) : Vinicius Carneiro, O sumiço, traduction du premier chapitre dans Rascunho, Curitiba, Brésil, août 2015, p. 44-46. → Sans a
Une curiosité (en russe) : A. Astashonok-Zhgirovsky, Исчезновение, Kiev, Nika Centre, 2001. Il s’agit d’une traduction sans lipogramme !
Extrait de l’éditorial : "Nous ne vous cacherons pas (car de toute façon dès les premières pages du roman vous − hélas ! − découvrirez une supercherie) que nous n’avons osé supprimer aucune lettre du texte du Maître, craignant que cette DISPARITION ne devienne irréparable."
Pour l’éditorial et le texte intégral, voir la page (en russe)
Un autre site propose la lecture intégrale gratuite de cet ouvrage
Une anecdote à propos de la traduction espagnole :
La réédition de 2020 a permis de rectifier quelques bourdes qui dénaturaient la première version de la traduction, et notamment de réparer un cataclysme sur le passage en allemand du « curriculum studiorum d’Anton » (LD p. 65,66).
Rappelons que ce texte dans La Disparition était l’œuvre du traducteur ami de Perec, Eugen Helmlé. Ce dernier, à la demande de M.P., avait aimablement accepté de transposer son propre texte en un lipogramme en a afin qu’il puisse être intégré à la traduction. Le correcteur pour l’allemand des Editions Anagramma, ignorant les enjeux du texte et trouvant que ce passage présentait des formulations un peu lourdes fit preuve d’un zèle intempestif et l’« améliora » en réintroduisant deux a interdits !
En revanche, cette réédition a inexplicablement oublié d’intégrer la formule chimique (cf. LD p. 222) que Gilles Esposito-Farese avait soigneusement élaborée et qui devait figurer en p. 215.
Souhaitons donc qu’une autre réédition voie le jour...
"La Disparition" de Georges Perec, ou l’impossible traduction
Un article de Pierre Ropert de mars 2022 à lire ici
En guise de complément...
Le numéro des Cahiers Georges Perec consacré à La Disparition
Vol. 13 : La Disparition - 1969-2019 : un demi-siècle de lectures
La Disparition en littérature jeunesse :
Espagnol : Rodrigo Muñoz Avia, El signo prohibido, Ilus. Javier Andrada Guerrero, Edición Edebé, 2015 (couverture et 4ème de couv.)
Traduction en français : Un son a disparu, trad. Anne Cohen Beucher, Ill. Julie Staboszevski, Coll. Deuzio, ed. Alice, 2017 (couverture et 4ème de couv.)
Téléchargez le comparatif des deux éditions et l’article de Marc Parayre "Apparition de La Disparition en littérature de jeunesse, (2019)"
Diverses études de Georges Perec pour des couvertures de La Disparition :
Les originaux accompagnaient le manuscrit dit du "Moulin d’Andé". Copies faites en 2000 avec l’autorisation de Suzanne Lipinska (réserve de l’Association Georges Perec).