Bulletin n° 57

vendredi 10 décembre 2010

ÉDITORIAL

Chers amis,

Dans son dernier numéro, la revue Histoires littéraires rend
hommage à François Caradec, qui devint membre de l’Oulipo peu
après la mort de Georges Perec. Parmi les inédits de Caradec
présentés dans ce dossier, on trouve quelques pages de notes
« Sur Raymond Queneau ». Une de ces notes nous intéresse
particulièrement : « Je commence à craindre que Raymond
Queneau n’entre doucement dans un purgatoire qu’il n’a pas
mérité. Georges Perec, par contre, est maintenu à bout de bras
par ses amis et c’est l’inverse que je crains pour lui : que plus
dure soit la chute. Perec est devenu une mode, et rien n’est plus
fragile que la mode. Il eût mieux valu pour lui qu’il disparaisse
durant vingt ou vingt-cinq ans, et sa renaissance eût été éclatante :
une révélation. Tandis qu’aujourd’hui, personne n’ose critiquer sa
virtuosité. A l’examiner, l’ausculter, le disséquer, bientôt il ne restera
rien. Ce qui n’arriverait pas si l’on partait précisément de rien. »

Cette note n’est pas datée, on peut l’imaginer assez ancienne
pour lui donner la valeur de conjecture sur le moment présent,
conjecture qu’il est donc temps de réexaminer : Queneau n’est pas
au purgatoire et l’intérêt dont Perec fait l’objet a depuis longtemps
dépassé le cadre d’une mode passagère. La chute n’en sera-telle
que plus dure ? Elle n’est en tout cas pas pour demain si l’on
en croit l’actualité recensée dans les pages qui suivent : un inédit à
paraître, un numéro des Cahiers paru, des traductions, des colloques,
des travaux en cours et à venir. La crainte avouée par François
Caradec, on ne s’en plaindra pas, n’est pas encore d’actualité.

Philippe Didion