Bulletin n°84

lundi 1er juillet 2024

Éditorial

Parmi les erreurs récurrentes que l’on trouve dans les articles sur Georges Perec, celle qui consiste à ajouter un accent aigu à la première voyelle de son nom est sans doute la plus répandue. Une autre, moins fréquente et moins visible consiste à ajouter une virgule au titre La Vie mode d’emploi. Celle qui nous intéresse ici concerne également un titre : Un homme qui dort, qui devient parfois L’Homme qui dort. Or, L’Homme qui dort existe bien. L’Homme-qui-dort, pour être précis. Il s’agit d’une « histoire » écrite par Raymond Schwab et publiée en 1945 à Genève aux Éditions du Mont-Blanc, dans laquelle un homme assoupi depuis des lustres est tiré de son sommeil pour vivre une série d’aventures. Raymond Schwab (1884-1956) est aujourd’hui bien oublié. Mais on découvre en fouillant un peu qu’il a créé et dirigé la revue Yggdrasill et qu’il est aussi l’auteur d’un roman intitulé Mathias Crismant, ce qui, outre son patronyme, aurait pu lui valoir de figurer dans La Disparition. Il y a mieux : en 1910, le premier livre de Raymond Schwab s’intitulait Regarde de tous tes yeux, une injonction bien connue des perecquiennes et perecquiens. Et dans L’Homme-qui-dort, le protagoniste rencontre une petite fille, sur laquelle il veillera, jusqu’à ce qu’elle instaure un régime tyrannique sur une île baptisée non pas W, il ne faut pas exagérer, mais du nom de son ami endormi-réveillé, comme on peut le lire dans le dossier Raymond Schwab paru dans le dernier numéro d’Histoires littéraires. On attend les volontaires prêtes et prêts à se lancer dans une étude sur le plagiat par anticipation de Perec par Raymond Schwab.

Et l’AGP ? me direz-vous. Elle va très bien merci.

Philippe Didion